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Je m’appelle Philippe, et cet écrit ne sera pas celui d’un pseudo-personnage inventé, mais simplement le mien. Considérant mon choix de sujet, il aurait été évident que je m’improvise fier militant homosexuel des années soixante-dix, ou j’aurais même pu me laisser transporter par l’idée d’une vie éternelle en me prenant pour un quelconque quidam gai qui a transcendé les époques en témoignant des expériences plus ou moins roses de la communauté homosexuelle. Mais j’ose considérer ma voix plus appropriée. J’entends déjà crier à l’égocentrisme mais, quoiqu’il m’arrive à l’occasion de négliger l’appétit d’autrui au profit de la mienne en mangeant le dernier crumpet, mon intention en conservant ma voix s’avère être plutôt noble (je vous l’assure).

 Militants homosexuels, lesbiennes féministes et vainqueurs de discrimination, vous m’enchantez.

Votre persévérance me rassure, votre volonté m’impressionne, VOUS M’ENCHANTEZ. Et c’est pour cette raison que je n’ai pas voulu me prendre pour l’un des vôtres, pour ce que je ne suis pas. J’aurais tort d’utiliser mon homosexualité pour me compter parmi ceux qui se sont tenu debout pour la cause, puisque je n’ai pas vécu ne serait-ce qu’une infime partie de ce qu’ils ont vécu. Attention, j’avouerai ici ce que très peu ont la sagesse d’avouer : moi, j’ai grandi dans un nuage de ouate dont la paroi n’a pratiquement jamais été percée. Ma vie lisse et quasi douceâtre n’a rien avoir avec celle d’homosexuels victimes d’incompréhension, de rejet ou même de violence. J’appartiens à cette génération où il est possible d’aimer hommes comme femmes sans se faire taper sur les doigts ou diagnostiqué névrosé, et j’ai conscience qu’une horde de valeureux artistes et activistes ont fortement travailler pour forger le confort dans lequel je peux aujourd’hui aimer librement. Dieu sait qu’il reste du boulot à faire, mais de solides bases sont déjà installées.

 Le présent journal s’évertuera d’ailleurs à présenter, et louanger au passage, des artistes qui ont fait avancer la cause et contribuer à l’affranchissement des homosexuels, soit en assumant pleinement (ou pas) leur orientation sexuelle, soit en mettant en œuvre des sujets gais. Leur apport influence considérablement le public recevant l’œuvre puisqu’il s’habitue tranquillement à l’idée de la diversité dans la sexualité, c’est en partie pour cela que ces œuvres ne doivent pas sombrer dans l’oubli.

Le cinéma

L’homosexualité au cinéma a fait son ascension depuis le début du septième art dans un parcours rempli de hauts et de bas, dépendamment de la place qu’elle prenait dans la société du moment. En d’autres termes, la place de l’homosexualité dans les films depuis 1895 s’avère curieusement refléter sa réelle place dans le monde de son époque (comme quoi la fiction ne joue pas qu’un rôle de divertissement, mais elle teinte aussi facilement les esprits influençables). Du début du cinéma américain jusqu’à environ les années trente, l’amour entre personne du même sexe, particulièrement les hommes, n’était pas mal vu. Les interactions entre les hommes semblaient même être plutôt libres et l’ambiguïté de leurs orientation sexuelle n’importait peu. Mais encore fallait-il que ces hommes en soient des vrais. Des HOMMES.

« Messieurs des années vingt, sentez-vous libre d’interagir comme bon vous semble avec le phallus d’autrui, mais ne cessez jamais d’arborer la fétide odeur du vrai mâle, celui qui ingère quotidiennement trois bœufs et un char de testostérone. »   

C’est pour cela que personne n’a crié au scandale lorsque deux hommes dansaient collé dans The gay Brothers et lorsqu’en 1927 deux aviateurs amoureux s’embrassent dans Wings.

 

 

The gay Brothers (1895) , réalisé par William Kennedy Laurie Dickson

 

                 

 

Wings (1927), réalisé par: William A. Wellman et Harry d'Abbadie d'Arrast

 

 

 

 

C’est qu’identité et orientation sexuelle se confondaient encore. Le public ne s’insurgeait donc pas à la vue d’amour entre homme, mais diantre que le port d’un poncho lavande et d’une petite main distinctement brandie causaient émoi! Les cinéastes on alors compris qu’une femme en complet et qu’un styliste efféminé pouvait choquer et attirer l’attention sur leur œuvre. Les homosexuels stéréotypés se multiplieront donc dans les films jusqu’en 1935, époque où le contexte religieux et austère entraine la censure de ces « personnages pervers ». Plusieurs œuvres littéraires sont alors modifiées pour être adaptées à l’écran afin d’éviter de traiter de l’homosexualité de certains personnages, comme avec le film Le faucon maltais, où l’antagoniste était initialement gai (les scènes de lui portant lascivement à sa bouche l’extrémité de sa canne laissent toutefois planer le doute dans la tête du fin observateur (ou de l’obsédé sexuel)). Ensuite, des années quarante jusqu’à ce que quelques révolutionnaires brandissent leur réclamation de droits au bout de bâtons en 1979, les représentants de la communauté LGBT au cinéma n’étaient que des vilains, des aliénés, des suicidaires et des mélancoliques (ils sont dans tous les cas voués à la mort avant la fin du film). De la révolte jusqu’à aujourd’hui, la présence à l’écran d’homosexuels parfois encore stéréotypés mais joyeux et affranchis ne cesse d’augmenter dans toutes sortes de film.

 

Parmi ces œuvres c’est immiscer en 1982 un film à la fois précurseur des films au sujet gai d’aujourd’hui et unique en son genre : Querelle, réalisé par Werner Fassbinder, traite de sujets intenses comme le meurtre, le viol, la prostitution et sien sûr, la sexualité entre homme (ce n’est pas un sujet intense mais ce l’était un peu plus en 82). Ce qui me semble rendre le film un peu étrange, c’est que malgré la lourdeur des thèmes, la mise en scène et l’intrique sont interprétées de façon très lisse, légère, pour ne pas dire un peu plate. Par contre, si l’histoire dans le film n’a pas capté mon attention, le roman Querelle de Brest de Jean genet (d’après lequel le film est adapté) a réussi à le faire. Ma dysfonction mentale (auto-diagnostiquée) qui m’empêche d’organiser équitablement toute activité dans une temporalité restreinte (j’ai écouté deux fois le film) ne m’a permis que de lire un extrait du roman, extrait toutefois très captivant par l’écriture stylisé de son auteur qui captive le lecteur. Relisez ma dernière parenthèse. Vous vous demandé probablement pourquoi est-ce que j’ai regardé deux fois un même film dont l’histoire ne me captivait pas, eh bien c’est parce que je l’ai « regardé », justement. Parce que oui, hormis l’intrigue, il y a quelque chose d’attrayant dans cette œuvre (et je ne parle pas de la musculature pectorale de Brad Davis, quoiqu’elle attirerait sans doute même l’œil le moins pervers). L’ambiance « coucher de soleil » (le soleil se couche TOUT le long du film) créée par les décors très artificiels ainsi que par l’organisation esthétique des images est malgré moi bien envoutante. C’est aussi l’audace de Werner Fassbinder qui attire l’attention. Il insère dans son film plusieurs image où l’action est ambiguë (on hésite souvent entre l’amour et la haine des personnages) et aussi pleins de références explicitement sexuelle.  

 

 

Cette image, qui est l’affiche du film, a causé plusieurs réactions/révoltes, ce qui lui a valu d’être censurée jusqu’en 2009.

           

 

Cette scène peut à première vue avoir l’air d’en être une d’amour/de sexe, mais en réalité la tension entre les personnages n’est pas que sexuelle, considérant que Querelle (celui de droite) assassine l’autre homme dans la même scène. 

 

 

L’art pictural

Les scènes homosexuelles dans la peinture sont présentes depuis des siècles, et ce particulièrement avec des toiles de l’antiquité ou celle qui ont des sujets antiques. Dans cette période où l’homosexualité n’était pas communément appelée ainsi, il était normal et même glorifié que les hommes de hauts rangs et les divinités s’adonne à des plaisirs charnels entre eux.

 

 

 

La Mort d'Hyacinthe de Jean Broc, peint en 1802 (période préromantique), représente une scène entre Hyacinthe mourant et Apollon, qui était attiré par le charme du jeune. Cet amour ne choque pas puisqu’il provient de la mythologie, mais les sujets homosexuels dans les toiles sont encore très tabous s’ils ne respectent pas les règles classiques.

      

 

 

 

Cette image peinte sur une coupe attique au ve avant J.-C. représente un baiser avenant entre éraste (homme au haut statut social possédant une certaine fortune) et éromène (jeune garçon appartenant à une certaine aristocratie et assez vieux pour sortir du quartier des femmes afin de s’éduquer).

*je sais que cette œuvre n’est pas dans les dates exigées mais il me paraissait pertinent de montrer que l’homosexualité est loin d’être chose moderne. 

 

                    

 

COURBET, Gustave (1819-1877) Le Sommeil, huile sur toile, 135 cm × 200 cm, 1866, musée Petit Palais, Paris.

 

                   

 

 

On reconnait dans Le Sommeil la façon qu’a Courbet de peindre sensuellement la femme. C’est d’ailleurs pour cette raison que le collectionneur Khalil-Bey, aussi détenteur à l’époque de L’Origine du Monde (une des toiles les plus connues de Courbet), a commandé cette toile. Ce tableau n’est pas passé par le fameux Salon où il aurait sans doute été censuré considérant qu’il fait écho à plusieurs autres toiles de la même époque qui ont choqué par leur sujets nus, comme L’Olympia de Manet. La position des femmes ainsi que leur vêtements et parures étendus sur les draps laissent croire que leur « sommeil » s’explique par l’épuisement causé par une relation charnelle lesbienne (SCANDALE).

J’ai pour la première fois vu cette œuvre dans le cadre de mes recherches pour ce journal, et elle me plait furieusement. Bien sûr les contrastes, la sensualité dans les modèles peints et le réalisme de l’œuvre sont agréables à regarder, mais ce que j’aime surtout c’est m’imaginer les faciès grimaçant des fiers juges et peintres académiques en voyant une telle scène, qui n’est en rien celle d’un sujet mythologique. Le scandale et l’audace dans Le Sommeil, contrairement à ce que pensaient ces conservateurs, permet d’élargir la pensée sur la beauté de la diversification, dans l’art comme dans les relations amoureuses.

 

 

La photographie

Pour la photographie, j’ai choisi de prendre les œuvres de photographes français que je ne croyais pas connaître au départ, mais dont j’avais finalement déjà vu le travail sans savoir de qui il était. Ces photographes sont Pierre et Gilles, un couple d’artistes alliant leur talent pour former des photographies très singulières. Outres le fait qu’ils sont eux-mêmes homosexuels, on peut facilement ressentir dans leurs images une forte touche gaie (dans les deux sens du termes). Pas nécessairement dans leur sujet (quoique c’est parfois le cas), mais surtout dans la représentation flamboyante que les contemporains se font du mouvement LGBT. C’est-à-dire l’amusement, la festivité, l’extravagance dans les vêtements, les couleurs et les maquillages, la vivacité représentée avec la surcharge de fleurs, le sexe, la nudité. D’ailleurs, la plupart des commandes qu’ont Pierre et Gilles proviennent de ce milieu.

                

 

  Ce qui est intéressant dans leur œuvre, c’est aussi l’association de formes, de genres et de courants artistiques. Ils mélangent plusieurs domaines artistiques dans le sens où leurs photos sont pour la plupart toutes mises sur toile et modifiées avec de la peinture, On peut aussi remarquer une forte influence du cinéma bolywoodien et du mouvement pop art dans leur décors (qu’ils conçoivent eux-mêmes d’ailleurs).   

 

Œuvre littéraire

On ne peut parler de l’homosexualité dans l’art sans traiter d’une des relations entre hommes la plus célèbre dans le monde littéraire. Je parle bien sûr la relation aigre-douce entre les poètes maudits Rimbaud (1854-1891) et Verlaine (1844-1896). L’histoire est plutôt connue : les deux hommes se rencontre lorsque Rimbaud n’a que 17 ans et s’engagent dans une relation amoureuse scandaleuse pour tous, particulièrement pour la femme de Verlaine qu’il quitte à plusieurs reprises pour suivre son nouvel amant. Passion et poésie décrivait leur amour jusqu’à ce que Verlaine, sous un élan de colère, blesse Rimbaud d’un coup de fusil (poésie perdurera mais passion un peu moins on s’en doute (Verlaine est emprisonné)).

 

                                  

    Arthur Rimbaud, 1871                                                 Paul Verlaine, 1893   

 

 

Après avoir lu quelques-uns de leur poème, comme Il Pleure dans mon Cœur de Verlaine et Aube de Rimbaud, j’ai réalisé que leurs œuvres ne traitaient pas, ou du moins pas d’après mes recherches et mon sens de l’analyse possiblement pas assez développé, de leur amour/amitié/haine réciproque, ce qui, même malgré la beauté de leurs écrits, n’a pas tellement de lien avec le sujet de l’homosexualité. J’ai toutefois trouvé, dans la vaste toile des internets, deux lettres de Verlaine adressée à Rimbaud qui en dévoile beaucoup sur l’ambiguïté de leur relation. Dans la première écrite en 1872, Verlaine demande à son amant de l’aimer (on peut faire ça ???) : « Aime-moi, protège et donne confiance. Étant très faible, j'ai très besoin de bontés. », ce qui contraste fortement avec la lettre envoyée deux ans plus tard où Verlaine accuse son destinataire de lui demander de l’argent à des fins inutiles, de ne pas répondre à ses lettres et d’être « en des voies idiotes ».

Ce sont de vraies personnes !!!

 

Et ce qui me plait chez ces hommes. Malgré le fait qu’ils soient aujourd’hui compté dans les poètes les plus célèbres, ils ajoutent un caractère beaucoup plus humain à l’homosexualité. Contrairement aux personnages des œuvres précédemment présentées, ils ne sont en rien stéréotypés ou idéalisés, ce sont plutôt de vrais (dans le sens d’authentique) personnes, victimes de la solitude, des amours, des drogues, de la religion. En mon sens, mêmes s’ils sont censés être « maudits » il est beaucoup plus facile de m’identifier à ses poètes qu’à n’importe quels autres personnages dont j’ai fait mention (à part pour la partie violence ça va de soi).

 

 

 

 

 

En guise de conclusion, j’aimerais de me donner une mission par rapport à l’homosexualité, toute autre que celles des génération LGBT précédente, afin de peaufiner son chemin vers la plénitude. Même si je me suis retrouvé à retracer le passage de nombreux personnages homosexuels du passé dans ce texte, ma mission en tant que sociétaire de la génération Y est toute autre : je me dois, comme tous mes semblables lesbiens ou pas devraient le faire, de banaliser l’homosexualité. C’est la prochaine étape. Je ne dis pas qu’il faut nier les parcours scabreux de nos ancêtres ou de nos confrères d’ailleurs qui ne peuvent toujours pas s’épanouir, mais il me semble que, pour les aider (pour nous aider), nous devrions aujourd’hui traiter de l’homosexualité comme on traiterais de la mélodie d’une chanson, de la saveur d’une chocolatine, de l’hétérosexualité. C’est beau, C’EST DE L’AMOUR, mais ce n’est pas marginal.

Ps : Eh oui, je conclu mon travail avec une note rose-kétaine-moralisatrice-Peace and love, mais j’assume pleinement.

 

 

 

 

The Colombia Film Language Glossary. <https://filmglossary.ccnmtl.columbia.edu/clip/>. (consulté le 10 mai 2017)

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